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Le texte que je vous propose aujourd’hui vient du livre du Docteur Luo Da Lun, «中医祖传的那点东西» ou « Ces choses que nous a transmis la médecine chinoise ». Ce texte met en avant l’importance du travail que nous a laissé Zhang Jing Yue 张景岳(1563-1640) dans le domaine du diagnostic en médecine chinoise. Il est l’un des représentants de l’école de la calorification-tonification Wen Bu Pai 温补派.

Zhang Jing Yue a apporté une grande contribution au diagnostic de la médecine chinoise.

Une grande partie des gens qui apprennent la médecine chinoise le font en suivant d’autres personnes, un professeur ou parfois un maître, lorsque celui-ci nous dit que c’est comme cela qu’il faut soigner alors c’est comme cela qu’on le retient, sans forcément essayer d’y réfléchir autrement, ou d’innover.

L’état d’un patient étant sans cesse en train de changer, comment une méthode de traitement peut-elle s’adapter à la vitesse de ces changements ?

Zhang Jing Yue lui n’était pas comme ça, il avait des bases solides concernant l’étude de la civilisation chinoise ancienne. Il avait surtout d’importantes connaissances dans le Yi Jing. Qu’est-ce que Yijing ? C’est une science de la méthode !

Attention il ne faut pas penser que le Yijing se limite à une méthode afin de prédire l’avenir, ce serait le sous-estimer. Le Yijing nous décrit une méthodologie. Ce qui est particulièrement précieux c’est que ce livre nous expose les relations dynamiques qu’entretiennent chaque chose entre elles, mais aussi les méthodes afin de les gérer, les réguler. C’est le fruit de la sagesse des anciens.

Si une personne pouvait être capable de saisir pleinement le Yijing alors chacune de ces actions serait pleine de sagesse, en rencontrant un problème il pourrait immédiatement en trouver la cause, mais saurait aussi quand agir pour le régler, pour chacun de ces choix il aura les idées claires.

En plus de comprendre le Yijing, Zhang Jing yue avait de grandes connaissances en astronomie et en géographie, il avait aussi une expérience de vie très riche, mais surtout une expérience de la guerre, ce qu’il a aidé à comprendre comment analyser les problèmes et comment en trouver la clé. Ces capacités ont sûrement été acquises sur les champs de bataille lorsqu’en un clin d’œil il fallait avoir saisi les milliers de changements qui se déroulaient sous ses yeux, l’intensité de ces stimulations est pour nous inimaginable.

C’est pour cela que Zhang Jing Yue analysait l’état d’une maladie comme un champ de bataille, dans la plus grande clarté, quelle était la cause principale, la secondaire, où se trouve le seigneur du parti adverse, comment le tuer avec une seule épée ? C’est en cela qu’il excellait, mais alors comment en est-il arrivé là ?

Les connaissances de Zhang Jing Yue ne se limitaient pas à un fil, ces connaissances étaient structurées comme une pyramide, sa base était solide et complète. C’est grâce à cela que lorsqu’il voyait un problème il en saisissait immédiatement la clé.

C’est aussi pour cela que beaucoup de grands maîtres sont très polyvalents, ils ne se limitent pas à une seule discipline mais ils en pratiquent en mêmes temps plusieurs jusqu’à en percer l’une d’elles.

Zhang Jing Yue était conscient de l’importance du diagnostic car il savait qu’il était directement en lien avec la réussite ultérieure du traitement. Si le diagnostic était mauvais alors il n’était même pas la peine de penser à la suite. C’est pour cela que dans le livre « Jing Yue Quan Shu » au premier chapitre il essaie d’éclaircir le problème suivant : les maladies étant aussi complexes et nombreuses que les 10000 étoiles du ciel, comment les analyser ?

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Zhang Jing Yue dit que le cœur du médecin doit être comme l’étoile Polaire afin de toujours nous guider dans la bonne direction et de pouvoir trouver la cause principale de la maladie. Une des étoiles qui se trouve dans le ciel va alors représenter le problème majeur, il ne faudra alors plus s’occuper des milliers d’autres étoiles car pour celles-ci le problème est déjà résolu. Mais alors qu’est-ce que ce problème principal?

Zhang Jing Yue l’a dit : c’est le yin yang.

Zhang Jing Yue nous parle là d’une théorie de système général qui découle du Yijing. En utilisant le yin yang on sépare les choses en deux systèmes, en appliquant cette méthode il est difficile de se tromper dans la direction.

Zhang Jing Yu a dit: «Le principe du yin yang étant déjà compris alors naturellement on comprend les principes d’oppositions qui unissent la superficie et l’interne, le vide et la plénitude, le froid et le chaud. Si on comprend le changement de ces 6 principes, ainsi que le principe du yin yang , alors on sait que toutes les maladies sur cette terre ne s’écartent pas de ces huit principes. »

« 阴阳既明,则表与里对,虚与实对,寒与热对,明此六变,明此阴阳,则天下之病固不能出此八者»

Cette phrase est magnifique, pourquoi?

Parce que de cela va découler le diagnostic des huit principes (Ba Gang 八纲) que l’on connait aujourd’hui en médecine chinoise.

Zhang Jing Yue était vraiment quelqu’un de supérieur, ces principes étaient connus, certaines personnes en ont parlé mais personne n’a laissé de traces aussi précises que celle de Zhang Jing Yue. Il nous a laissé une analyse profonde et c’est à partir de là qu’a été établi le système théorique des ba gang. Par la suite pendant la période Minguo le célèbre médecin de Shanghai Zhu Wei Ju a explicitement parlé du nom de Ba gang.

En fait les médecins et les détectives font le même travail mais la médecine chinoise est plus passionnante que le travail de détective car pour découvrir les secrets d’une affaire criminelle, afin de trouver des indices, il faut parfois partir à l’étranger.

Être médecin est différent, tous les indices se trouvent sur le patient, il faut juste les chercher afin de pouvoir conclure le cas. C’est comme dans une histoire de Sherlock Holmes au début l’affaire est au point mort, dans un espace limité Sherlock va mettre beaucoup de temps à percer les secrets de cette affaire, un médecin quant à lui va pouvoir résoudre plus d’une dizaine de cas en une journée.

Dans un système médical rigoureux, le système de diagnostic doit absolument ressembler au texte de loi avec une organisation claire, une réglementation stricte et une bonne documentation. La médecine occidentale à ce niveau fait les choses plutôt bien, la médecine chinoise a déjà beaucoup d’expérience mais nous devrions encore travailler dur afin d’en établir des lois.

Zhang Jing Yue avait sûrement pensé à ce problème et c’est d’ailleurs pour ça qu’il a proposé le diagnostic des huit principes, avec cette méthode il a à partir du yin yang créé plusieurs sous-systèmes afin de petit à petit réduire le nombre de possibilités et ainsi définir la maladie.

Dans ce système du diagnostic on retrouve d’autres méthodes de diagnostic : la différenciation des syndromes entre les organes et les viscères, la différenciation des syndromes entre les quatre couche du Qi défensif, du Qi, du Qi nourricier et du sang (Wei Qi Ying Xue Bian Zheng), la différenciation des syndromes des trois réchauffeurs, la différenciation des syndromes par les méridiens et celle selon les horaires. Ces systèmes sont tous imbriqués ensemble comme dans une enquête criminelle, il faut recueillir les témoignages, analyser les relations qu’entretiennent les personnes entre elles, faire un examen médico-légal… Il existe différents modes de pensées, chacune de ces pensées peuvent nous révéler des indices.

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Le diagnostic en médecine chinoise est semblable, un bon médecin lorsqu’il rencontre un patient va par l’intermédiaire de ces différents systèmes pouvoir faire apparaître le problème et en trouver la clé.

Si Zhang Jing Yue avait de si bons résultats, c’est parce qu’il excellait dans le diagnostic. C’est pour cela qu’il faut analyser clairement les problèmes comme il l’a décrit dans son livre pour ne pas faire de grosses erreurs dans le diagnostic.

C’est comme ça que font les grands maîtres, à partir d’une méthodologie ils agissent, sur cette base il est possible de briser tout obstacle comme si l’on fendait un bambou.

On va maintenant prendre un vrai exemple, c’est l’histoire d’une jeune femme, qui était issue d’une famille de haut fonctionnaire, depuis son enfance elle a toujours été très gâtée et plutôt capricieuse. Il est donc probable qu’après s’être mariée elle se mettait souvent en colère, avec le temps sont donc apparus des douleurs thoraciques, des vomissements. Lorsque cela arrivait elle prenait des plantes et cela se passait.

Les secrets du diagnostic en médecine chinoise

Cette année-là à la fin de l’automne, la température à Pékin était plutôt froide, alors que tout le monde s’apprêtait à aller voir les feuilles rouges de la colline parfumée (Xiang Shan), la maladie de cette jeune femme s’est soudain aggravée. Elle vomissait à nouveau, mais cette fois ce n’était plus des vomissements habituels. Elle a vomi pendant deux jours sans arrêt et est même restée inconsciente plusieurs jours, si bien que les gens qui avaient prévus de se rendre à Xiang Shan sont tous restés à la maison pour veiller sur elle.

À ce moment-là la famille a fait appel à Zhang Jing Yue, à son arrivée il s’est aperçu que la chambre était remplie de médecins qui veillaient sur elle en discutant de son cas. Qu’était-il en train de dire ? L’un d’eux a alors préconisé l’utilisation de Du Shen Tang 独参汤, en utilisant Ren Shen pour faire la décoction nous pourrions éventuellement la sauver. Mais tout le monde a alors hoché de la tête en disant qu’il n’était pas possible de lui administrer car elle vomissait tout ce qu’on lui donnait, il n’y avait pas vraiment de solution.

Zhang Jing Yue lui écoutait sans parler, il s’était juste assis pour lui prendre le pouls qui était très rapide, presque impossible à compter « 脉乱数甚 ». La patiente était dysphorique, agitée avec des sensations de chaleur, son état était indescriptible « 烦热躁扰,莫堪名状 ».

Au vu de ces symptômes nous allons essayer d’en faire une analyse complète (le jugement de Zhang Jing Yue était déjà fait à ce moment-là mais nous allons nous exercer un peu). Tout d’abord en fonction du yin yang, cette dysphorie avec sensation de chaleur accompagnée d’agitation et d’un pouls rapide est un syndrome yang, dans un cas d’inconscience par déficience on pourrait utiliser Du Shen Tang mais dans ce cas il ne s’agit pas de déficience mais plutôt d’une chaleur trop abondante. Si l’on se fie au yin yang, le médecin qui a voulu prescrire Du Shen Tang a alors fait une erreur de jugement.

Ensuite regardons la superficie et la profondeur (Biao Li), nous ne sommes pas dans le cas de l’attaque d’un pathogène extérieur, ce qui nous informe donc qu’il ne s’agit pas de syndrome biao. Il n’y a donc qu’un syndrome li. C’est donc maintenant clair en ce qui concerne Biao et Li.

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La clé de cette maladie se trouve dans le diagnostic du chaud et du froid, cette jeune femme est très agitée comme si elle avait un trouble de l’esprit, cela semble donc être un syndrome de chaleur, mais parfois lorsque le yin est trop abondant cela produit aussi de l’agitation, alors comment faire le bon jugement ? On peut le faire grâce aux pouls, si le pouls est rapide, alors c’est qu’il est possible d’avoir un syndrome de chaleur mais un pouls rapide peut aussi être dû à une très grosse insuffisance.

En regardant l’état de cette patiente qui est plutôt robuste, il ne peut pas s’agir d’une déficience donc avec ce pouls il ne peut s’agir que de chaleur. Si l’on regarde la langue lors d’un syndrome de chaleur elle sera obligatoirement rouge, pour un syndrome de froid elle sera obligatoirement pâle et blanche.

Zhang Jing Yue n’avait encore pas complètement fait son jugement concernant le diagnostic du froid et du chaud, il a alors pris un verre d’eau fraîche et a demandé à la patiente si elle en voulait. C’est aussi une méthode de diagnostic, en essayant cela, si c’est un syndrome de froid alors la patiente aura obligatoirement envie de boire chaud, mais à ce moment-là c’est de l’eau fraîche qui lui a été proposée et la patiente l’a acceptée.

Après que Zhang Jing Yue ait donné à cette patiente le verre d’eau, elle a sans aucune retenue vidé le verre en quelques gorgées, avec ensuite une sensation d’apaisement sans avoir envie de vomir. Zhang Jing Yue lui a alors donné un autre verre d’eau fraîche, après l’avoir bu il n’y avait pas plus de réactions.

À ce moment-là Zhang Jing Yue est alors devenu plus confiant, il lui a alors immédiatement prescrit une prescription qu’il avait lui-même établi Tai Qing Yin 太清饮, qu’on peut retrouver dans le livre Xin Fang Ba Zhen 新方八阵 au chapitre Han Zhen 寒阵. Elle est composée de Zhi Mu知母, Shi Hu石斛, Mu Tong木通, Sheng Shi Gao生石膏, avec des petites doses. Shi Gao était utilisée à hauteur de cinq à six Qian (15 à 20 gr). Les quelques plantes utilisées avaient toute la propriété de clarifier la chaleur, Mu Tong conduisait la chaleur vers l’extérieur par l’intermédiaire des urines, Shi Hu avait la propriété d’accroître les liquides.

Après avoir écrit sa prescription tout le monde a alors commencé à en discuter. N’oublions pas que beaucoup de médecin étaient présents, certains disaient : « Nous somment à la fin de l’automne les températures sont déjà tellement fraîches, est-ce que cette patiente va supporter des plantes à la propriété si froide ?»

Zhang Jing Yue était un vrai chinois du Sud, il ne savait pas vraiment débattre, les gens de Beijing quant à eux sont connus pour leur éloquence, à chaque débat Zhang Jing Yue n’était pas à son avantage. Parfois les patients étaient de mauvaise foi, ils allaient même jusqu’à remettre en question le niveau de son diagnostic. Zhang Jing Yue n’arrivant pas à se défendre, il ne pouvait qu’observer ces patients malchanceux.

De part sa nature Zhang Jing Yue n’a pas cherché à débattre avec ces Pékinois, il a directement administré les plantes à la patiente. Après l’absorption de ces plantes, la patiente a commencé à être somnolente et s’est ensuite endormie pendant une demi-journée. Lorsqu’elle s’est réveillée, elle ne vomissait plus.

Ensuite Zhang Jing Yue a continué à utiliser quelques plantes afin d’humidifier le yin, très vite la patiente a alors complètement guéri.

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